Le 24 juillet 2019, le Conseil d’État donne des précisions sur le calcul de ces préjudices scolaire et professionnel, qui doivent être indemnisés, malgré le jeune âge de la victime et l'absence d'activité scolaire et/ou professionnelle antérieures.
Le préjudice scolaire est défini comme suit dans la nomenclature DINTILHAC :
« Ce poste de préjudice à caractère patrimonial a pour objet de réparer la perte d’année(s) d’étude que ce soit scolaire, universitaire, de formation ou autre consécutive à la survenance du dommage subi par la victime directe.
Ce poste intègre, en outre, non seulement le retard scolaire ou de formation subi, mais aussi une possible modification d’orientation, voire une renonciation à toute formation qui obère ainsi gravement l’intégration de cette victime dans le monde du travail »
L’incidence professionnelle est également définie :
« Ce poste d’indemnisation vient compléter celle déjà obtenue par la victime au titre du poste “pertes de gains professionnels futurs” susmentionné sans pour autant aboutir à une double indemnisation du même préjudice.
Cette incidence professionnelle à caractère définitif a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.
Il convient, en outre, de ranger dans ce poste de préjudice les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste assumés par la sécurité sociale et / ou par la victime elle-même qui sont souvent oubliés, alors qu’ils concernent des sommes importantes. Il s’agit des frais déboursés par l’organisme social et / ou par la victime elle-même immédiatement après que la consolidation de la victime soit acquise afin qu’elle puisse retrouver une activité professionnelle adaptée une fois sa consolidation achevée : elle peut prendre la forme d’un stage de reconversion ou d’une formation. »
La liquidation de ces deux postes de préjudices, bien que simples dans leurs définitions, peut s’avérer plus compliquée lorsque la victime a été lésée à la naissance ou très jeune, avant même d’entrer dans la vie scolaire et professionnelle.
Par son arrêt du 24 juillet 2019 n° 408624, le Conseil d’État donne des précisions sur le calcul de ces préjudices :
« Sur l’arrêt en tant qu’il se prononce sur les préjudices de la victime postérieurs à sa majorité
En ce qui concerne les préjudices scolaire et professionnel :
4. Lorsque la victime se trouve, du fait d’un accident corporel survenu dans son jeune âge, privée de toute possibilité d’exercer un jour une activité professionnelle, la seule circonstance qu’il soit impossible de déterminer le parcours professionnel qu’elle aurait suivi ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice, qui doit être regardé comme présentant un caractère certain, résultant pour elle de la perte des revenus qu’une activité professionnelle lui aurait procurés et de la pension de retraite consécutive. Il y a lieu de réparer ce préjudice par l’octroi à la victime, à compter de sa majorité et sa vie durant, d’une rente fixée sur la base du salaire médian net mensuel de l’année de sa majorité et revalorisée par application des coefficients prévus à l’article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Doivent être déduites de cette rente les sommes éventuellement perçues par la victime au titre de l’allocation aux adultes handicapés.
5. Lorsque la victime se trouve également privée de toute possibilité d’accéder à une scolarité, la seule circonstance qu’il soit impossible de déterminer le parcours scolaire qu’elle aurait suivi ne fait pas davantage obstacle à ce que soit réparé le préjudice ayant résulté pour elle de l’impossibilité de bénéficier de l’apport d’une scolarisation. La part patrimoniale de ce préjudice, tenant à l’incidence de l’absence de scolarisation sur les revenus professionnels, est réparée par l’allocation de la rente décrite au point 4. La part personnelle de ce préjudice ouvre à la victime le droit à une réparation que les juges du fond peuvent, sans commettre d’erreur de droit, assurer par l’octroi d’une indemnité globale couvrant également d’autres chefs de préjudice personnels au titre des troubles dans les conditions d’existence.
6. Mme B…soutenait devant les juges du fond que son fils avait été privé de la possibilité d’accéder à une scolarité et ne pourrait jamais exercer la moindre activité professionnelle ni bénéficier d’une retraite et demandait qu’il soit indemnisé à ce titre. En incluant la réparation de la part personnelle du préjudice scolaire dans l’indemnité qu’elle a accordée à M. C…B…au titre des troubles subis dans ses conditions d’e
xistence, la cour n’a pas commis d’erreur de droit. En revanche, en jugeant que l’intéressé ne pouvait pas se prévaloir d’un préjudice, distinct des troubles dans ses conditions d’existence, résultant de la perte des revenus qu’une activité professionnelle lui aurait procurés, ainsi que de la perte consécutive de droits à pension, préjudice incluant la part patrimoniale de son préjudice scolaire, la cour administrative d’appel a méconnu les principes énoncés ci-dessus. Cette erreur de droit justifie l’annulation de son arrêt en tant qu’il refuse l’indemnisation de ce préjudice.
(…)
9. Il résulte de l’instruction que le handicap de M. C…B…l’a placé dans l’incapacité totale et définitive d’être scolarisé et d’exercer un jour une activité professionnelle. Il est, par suite, fondé à se prévaloir à ce titre de la perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de ses droits à pension, préjudice incluant la part patrimoniale de son préjudice scolaire. »