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Photo du rédacteurAngélique OPOVIN

Nouveaux postes de préjudices indemnisables

La Cour de cassation, statuant en chambre mixte, vient de rendre deux arrêt importants concernant les préjudices indemnisables de victimes.


Ces deux décisions reconnaissent deux postes de préjudice non prévus dans la nomenclature Dintilhac, le préjudice d'angoisse de mort imminente et le préjudice d'attente et d'inquiétude.


Il s’agit des arrêts n° 20-15.624 et n° 20-17.072 du 25 mars 2022 Chambre mixte de la Cour de cassation.



Une personne est agressée à l’arme blanche et va décéder de ses blessures.


Ses ayants-droits ont été indemnisés des souffrances endurées par la victime entre son agression et son décès et d'un préjudice distinct d'angoisse de mort imminente.


Le préjudice dit « d’angoisse de mort imminente » est caractérisé par l’angoisse ressentie par la victime directe qui, entre le moment où elle a subi une atteinte et son décès, a eu la conscience du caractère inéluctable de sa propre fin.


En l’espèce la Cour de cassation retient dans sa motivation que l’arrêt de la Cour d'Appel, « eaprès avoir constaté que les lésions consécutives à la multiplicité des plaies par arme blanche présentes sur le corps de la victime lui avaient causé une souffrance importante, énonce qu'il convient d'évaluer à 1 500 000 FCP l'indemnisation de l'indivision successorale au titre des souffrances endurées par la victime entre son agression et son décès. Il précise que, pour caractériser l'existence d'un préjudice distinct « d'angoisse de mort imminente », il est nécessaire de démontrer l'état de conscience de la victime en se fondant sur les circonstances de son décès. Il retient que la nature et l'importance des blessures, rapportées au temps de survie de la victime, âgée de seulement vingt-sept ans, dont l'état de conscience a conduit sa famille à juger possible son transport en voiture légère jusqu'à l'hôpital, démontrent que [R] [X] a souffert d'un préjudice spécifique lié à la conscience de sa mort imminente, du fait de la dégradation progressive et inéluctable de ses fonctions vitales causée par une hémorragie interne et externe massive, et que le premier juge a procédé à sa juste évaluation. C'est, dès lors, sans indemniser deux fois le même préjudice que la cour d'appel, tenue d'assurer la réparation intégrale du dommage sans perte ni profit pour la victime, a réparé, d'une part, les souffrances endurées du fait des blessures, d'autre part, de façon autonome, l'angoisse d'une mort imminente. »



En l’espèce, la famille (composée des filles d’une victime décédée à la suite d’un acte terroriste et de leur mère) avait bénéficié par un arrêt de Cour d'Appel de l’indemnisation d'un « préjudice d'attente et d'inquiétude ».


Le préjudice d’attente et d’inquiétude, aussi appelé préjudice situationnel, est défini comme l’angoisse apparaissant chez un proche de la victime, lorsqu’il apprend qu'elle se trouve dans une situation de grave danger (agression, accident, attentat...), mettant son intégrité physique en péril, et prenant fin lorsque le proche apprend le sort de la victime directe.


Le fonds de garantie a formé un pourvoi en soutenant que le préjudice d'attente et d'inquiétude ne pouvait pas être indemnisé, alors qu'elle avait également vu réparé leur préjudice d'affection. Selon le Fonds de garantie, la cour d'appel avait indemnisé deux fois le même préjudice.


La réponse de la Cour de cassation est non. Elle fait une distinction entre ces deux chefs de préjudice.


La Cour de cassation indique :


« Les proches d'une personne, qui apprennent que celle-ci se trouve ou s'est trouvée exposée, à l'occasion d'un événement, individuel ou collectif, à un péril de nature à porter atteinte à son intégrité corporelle, éprouvent une inquiétude liée à la découverte soudaine de ce danger et à l'incertitude pesant sur son sort.

La souffrance, qui survient antérieurement à la connaissance de la situation réelle de la personne exposée au péril et qui naît de l'attente et de l'incertitude, est en soi constitutive d'un préjudice directement lié aux circonstances contemporaines de l'événement.

Ce préjudice, qui se réalise ainsi entre la découverte de l'événement par les proches et leur connaissance de son issue pour la personne exposée au péril, est, par sa nature et son intensité, un préjudice spécifique qui ouvre droit à indemnisation lorsque la victime directe a subi une atteinte grave ou est décédée des suites de cet événement.

Il résulte de ce qui précède que le préjudice d'attente et d'inquiétude que subissent les victimes par ricochet ne se confond pas, ainsi que le retient exactement la cour d'appel, avec le préjudice d'affection, et ne se rattache à aucun autre poste de préjudice indemnisant ces victimes, mais constitue un préjudice spécifique qui est réparé de façon autonome.

Il s'ensuit que c'est sans indemniser deux fois le même préjudice que la cour d'appel a accueilli les demandes présentées au titre de ce préjudice spécifique d'attente et d'inquiétude. »


La Cour de cassation a par ailleurs indiqué lors de la publication de cet arrêt qu’il n’y a pas de référentiel législatif de réparation des préjudices corporels, mais une nomenclature dite Dintilhac, contenant une liste de « postes » de préjudices sur laquelle s'appuie nombreux praticiens de la matière.


La Cour de cassation prononce la première fois l’autonomie de ce poste de préjudice d’attente et d’inquiétude des proches.


Ce poste de préjudice doit ainsi être réparé de façon autonome, séparée : il y aura donc une indemnisation supplémentaire, donc en principe plus importante.


Dans son communiqué, la Cour de cassation indique en outre qu’il s’agit de la création d’un nouveau poste de préjudice dans la nomenclature Dintilhac.



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